« A taêté, mon tetê! » (« À table, mon bébé! ») C’est par ces mots qu’il y a quelques jours, un ami s’est adressé à son fils. Quelle ne fut pas ma surprise de voir un homme parfaitement viril et à la tête bien faite s’exprimer ainsi face à son enfant !
Nombreux sont les parents qui utilisent des surnoms, des mots tendres -souvent inventés- pour nommer leurs enfants, parfois aussi pour le doudou (« Tintin », « Fanfoune », « Quipue », « Chachou », etc). Jusqu’ici, il s’agit davantage de personnaliser l’univers de l’enfant et lui donner une identité propre: il est unique, et son doudou est unique (oublions qu’un double est caché dans le placard…), que d’utiliser un « langage bébé ».
En revanche, quand les termes utilisés ne sont plus compris des autres et relèvent d’un langage inventé, visant à imiter la parole du tout-petit, on parle du « langage bébé ».
Le langage bébé : quelle finalité ?
Pourquoi utilisons-nous le langage bébé ?
Certains parents pensent se faire mieux comprendre par ce biais. Puisque l’enfant parle ainsi, il comprendra mieux ses parents s’ils s’expriment comme lui.
C’est faux et c’est même tout le contraire. L’enfant qui dit « bibon » pour « biberon » n’utilise pas un langage parallèle dont il serait l’inventeur, mais bien le mot « biberon » qu’il n’est juste pas en mesure de prononcer correctement. En utilisant le mot « bibon », l’adulte fausse le lien établi entre l’enfant et le juste nom des mots.
L’enfant, en outre, connaît la voix et le langage « adulte » de ses parents depuis sa conception. Il les comprend très tôt, et intègre un vocabulaire très important au cours de ses premiers mois de vie. Même s’il n’est pas en mesure de les restituer à cause de son très jeune âge, ce vocabulaire constituera pour lui une banque dans laquelle il sera capable de piocher plus tard. Dès lors, son élocution sera d’autant plus riche et précise que la « banque de mots » aura été alimentée.
Et c’est bien cette différence qui est observée en petite section de maternelle, lors des différents bilans de langage menés auprès des enfants de 3 ans…
Ainsi, autant faire les choses bien, dès la naissance !
L’importance de garder notre rôle de parents
« Quand je parle comme mon bébé, je me mets à sa portée, c’est important pour lui que je me mette à son niveau ».
Autant il est nécessaire de se baisser pour parler à un enfant, notamment quand on a une discussion sérieuse à mener avec lui, autant parler un langage infantilisant ne nous met pas « au niveau de l’enfant », mais en dehors du rôle de parent, éducateur et guide qui est le nôtre. L’adulte doit montrer le chemin à l’enfant et être pour lui un exemple, car c’est cette volonté de « suivre l’exemple » qui s’inscrira très tôt dans son inconscient.
Et quel besoin de faire des efforts pour s’exprimer, quand on a un an, 18 mois ou 2 ans, si papa et maman comprennent tout et rentrent dans le jeu?
Qui n’a jamais trouvé ridicule d’entendre une dame dans la rue s’adresser en ces termes à son caniche: « Qu’il est gentil, ce beau chien-chien! »
En s’adressant ainsi à un bébé, ne renvoyons-nous pas la même image ?
Mais attention, ne pas parler le langage bébé ne signifie pas qu’il faut bannir les mots simples et facilement compréhensibles, à l’inverse, il faut évidemment s’exprimer de manière à être compris!
Alors autorisons-nous quelques écarts, mais n’oublions pas d’élever le bébé vers le vrai et beau langage, pour l’aider à être plus tard un digne héritier de la langue de Molière !